LES NEUF CERCLES D'ALIGHIERI

Cette pièce utilise les neuf premiers vers du Chant III de l'Enfer, première partie de la Divine comédie de Dante Alighieri, tout comme l’œuvre précédente A’ Dante pour deux voix de femmes et deux clarinettes.
Ces neuf vers ont pour caractéristique, à travers leur charge émotionnelle, un équilibre dans la répartition des termes (noms, adjectifs, verbes, pronoms, locutions verbales) qui assigne au texte une manière d'instantanéité, comme si les neuf vers étaient lus même temps.
La forme que je construis avec Les neuf cercles d’Alighieri est semblable à celle de A’ Dante mais le matériau musical y est radicalement différent. L'orchestre donne ici une possibilité de nourrir le discours jusqu'à son abolition dans les scansions verticales des derniers vers par exemple. Le principe est donc le même que pour A'Dante ; le déroulement est le fruit d'une inscription : sur la porte de l'enfer, s'imprime à la vue de celui qui s'y présente, l'entièreté du texte, les neuf vers, d'abord flous, presque illisibles puis de plus en plus clairs, de plus en plus présents, jusqu'à dénier tout espoir à celui qui doit ouvrit cette porte (sens du dernier vers), comme une métaphore du "plein" qui abolit l'existence du hasard des existences.
Les quatre unités de temps, les quatre parties sont les quatre étapes d'inscription de ce texte sur « la porte » . La première imprime les noms, les substantifs seuls,( città, dolore, gente) ; la deuxième les Substantifs+ les adjectifs conjoints à ces noms ; la troisième les verbes, ou les pronoms ; la dernière inscrit la phrase entière.

Ces quatre étapes sont d'égale longueur, divisée en neuf sections regroupées par trois ; la hiérarchie du matériau se présente ainsi :
À chacune des neuf sections est assignés une durée et un agrégat.
À chaque groupe de trois sections est assigné un intervalle matrice.
Un réseau de quatre tempi régit de manière récurrente l'apparition des paroles déjà prononcées.
Il s'agit donc d'une procédure en strates, creusant une épaisseur par l'inscription des mots, d'abord dissociés de leur contexte, puis progressivement réassociés jusqu'à ce que image et sens du poème soient l'un à l'autre suspendus.

D. Cohen