CANTATE

L'utilisation d'un texte et de la voix chantée (ou parlée) dans une trame musicale peut obéir à deux modèles opposés mais complémentaires :
D'un jeu « théâtral » pouvant soutenir un sens, une information relativement pauvre (par ex. les opéras véristes) à un jeu extrêmement subtil avec le sens nécessitant un réseau de relations très riche, au moins jouant dans l’ambiguïté d'un système constitué (par ex. certains lieders de Schubert), s'inscrivent de nombreuses réalisations qui (se) servent plus ou moins (de) l'information contenue dans une parole.

Dans cette « Cantate » , c'est la construction interne de chaque strophe, le verbe et ses intentions, ses résonances, qui a stimulé un choix d'écriture.

J'ai exploité dans cette oeuvre ce que j'avais appelé « ambitus de temps » dans le concerto de chambre « Transmutations » ; chaque séquence observe un rapport de durée et de tempo déterminé, mais, au lieu que ces tempi et durées soient dans une relation d'or permutée par deux (Transmutations), ils sont ici choisis en fonction de l'espace suggéré par le texte, le lieu réclamé par le poème.
Il s'agit en quelque sorte d'une hyper-permutation de rapports d'or.
Ceci donne lieu à des séquences parfois de même durée, mais de vitesses, de pulsations différentes, certains évènements étant troués, filtrés par ce paramètre « vitesse ».

La dimension directionnelle du déroulement (son anticipation possible dans le temps) est donc totalement déterminée par l'ordonnancement du texte ; certaines structures en arrière -plan dans le « poème écrit » apparaîtront plus en avant dans la réalisation musicale.

D’autre part, il y a dans ce texte une constante structurelle qui frappe dès la première ligne :
« Entweder ... Oder » ; « ou bien... ou bien », c’est-à-dire une alternance noir-blanc, rapidement, sec-résonnant etc... qui modèle le sens du début à la fin ; cette opposition est présentée musicalement d'abord de manière très simple au début de l’œuvre (phrases très découpées aux cuivres et percussions d'une part, évènements plus souple, identité plus harmonique au piano et harpe d'autre part (couple sec-résonnant) ; cette dualité débouche plus tard dans la pièce sur une réalisation simultanée de cette alternative par la superposition de deux tempi (et donc de deux groupes instrumentaux) différents (Aus jovialität, als auch ...., von klugheit... von sich selbst).